Arrêté il y a de cela quatre ans et poursuivi en justice pour possession de 50 millions d’euros de faux billets retrouvés chez lui, Thione Ballago Seck, l’icône sénégalaise du mbalax voit sa procédure judiciaire annulée, ce jeudi 23 Mai, par la deuxième chambre du tribunal correctionnel de Dakar. Senemusic vous en dit plus.
Une histoire rocambolesques. Une affaire qui en avait choqué plus d’un. On se rappelle tous de cette journée du 27 Mai 2015. A la radio ou dans les journaux, sans oublier les réseaux sociaux, tous parlaient de « l’affaire Thione Seck : une histoire de faux billets ». En effet, ce soixantenaire, figure emblématique du mbalax et grand rival de Youssou Ndour avait été pris par la section de recherche de la gendarmerie de Colobane (Dakar), dans son domicile, avec une somme exorbitante de faux billets : 50 millions d’euros en billets de cent. Une somme faramineuse repartie en « quarante trois paquets emballés avec un papier transparent portant des impressions de billet de cent euros chacun », selon le procès verbal de la gendarmerie datant de Mai 2015.
Le chanteur est alors inculpé pour « association de malfaiteurs, falsification de contrefaçons, altération de signes monétaires ayant cours légal à l’étranger, blanchissement d’argent et tentative d’escroquerie ». Il est remis en liberté en 2016 et son procès ne sera ouvert que le 9 Mai 2019. Soit quatre ans après son arrestation. Ce jeudi 23 Mai, contre toute attente, la procédure judiciaire contre lui se voit annulée, le tribunal correctionnel estimant qu’il n’avait pas été prévenu de son droit à l’assistance à un conseil dès son interpellation (le procureur ayant requis deux ans de prison dont huit mois fermes).
Quatre ans plus tôt, l’artiste s’était retrouvé mêlé à une enquête visant le malien Ablaye Djiteye et le gambien Joachim Cissé. Djiteye avait lui aussi été arrêté en Mai 2015 en possession de quelques 10.000 euros de fausse monnaie « destinés à des films », selon ses propres dires. Des coupures réalisées au scanner, à l’imprimante, découpées à la lame et à la règle… Loin d’une imprimerie offset nécessaire à ce genre de production. La procédure contre lui a également été annulée ce 23 Mai pour les mêmes raisons.
C’est Cissé qui, toujours en fuite, aurait approché Thione Seck en lui proposant un contrat à couper le souffle : une centaine de dates en Europe pour cent millions d’euros. Un cachet exorbitant pour un artiste fort peu connu à l’international. Un de ses avocats soutient qui' »il a cru a l’aboutissement de sa carrière ». Et « en gage de sa bonne foi », avant même la signature d’un quelconque contrat, Joachim lui verse la moitié de la « très » ronde somme convenue en liquide : 50 millions emballés dans des ballots plastifiés. Personne n’y touche jusqu’à l’arrivée des gendarmes le 27 Mai.
Des incohérences dans le dossier
Mais à mesure qu’avance le dossier, des incohérences de plus en plus incohérentes ainsi que des annonces contradictoires transparaissent dans ce qui semblait être un grandiose coup de filet des autorités sénégalaises. D’abord la prise semble trop grosse. En une seule opération les autorités auraient mis la main sur une somme représentant 255 % de l’ensemble des saisies réalisées dans la zone euro en 2014. Par ailleurs, d’après un expert français interrogé par Jeune Afrique à l’époque sur l’affaire, la somme avancée n’aurait pas pu tenir dans un seul sac. Il aurait fallu « l’équivalent de dix belles valises » pour contenir 50 millions d’euros en fausses coupures.
Pendant que la presse parle d’un « pactole en euros et en dollars », comme l’écrit un journal français en Mai 2015 et que la presse sénégalaise parle de chiffres allant de 6 millions à 15 milliards de franc CFA, on s’est rendu compte que dès leur premier procès verbal les gendarmes avaient présenté les 50 millions d’euros comme des « papiers verts ». « Il n’y avait pas de faux billets ! », clament donc les avocats de la défense qui se basent sur la manière grossière avec laquelle étaient découpés les billets ainsi que l’absence de signes monétaires. Les propos avancés par la presse sénégalaise et internationale selon lesquelles les autorités sénégalaises auraient « mis une journée à compter les faux billets » ne sont donc pas fondés si l’on se base sur le fait que seuls les échantillons des scellés ont été ouverts et présentés à l’ouverture du procès ce 9 Mai passé.
Par conséquent, les accusations de faux monnayage à l’encontre de Thione Ballago Seck ont été abandonnées. Par contre, celles d’association de malfaiteurs et de détention de faux billets sont maintenues puisque deux fausses coupures de cent euros auraient tout de même été retrouvées dans la poche du chanteur lors de son arrestation. Mais le fait aussi que Thione Seck ait remis 85 millions de franc CFA à Joachim Cissé continue à faire planer le doute sur sa réelle implication dans l’affaire bien qu’il clame haut et fort avoir été objet de machination et de maraboutage.
M.A.Sakho